Les Etats-Unis ont franchi un pas inédit, mercredi 8 mai, dans leur relation étroite mais complexe avec Israël. L’administration Biden a confirmé la suspension, la semaine précédente, d’une livraison d’armes à son allié, engagé depuis sept mois dans une guerre meurtrière dans la bande de Gaza. Il s’agissait de 1 800 bombes de 2 000 livres (907 kilogrammes) et de 1 700 bombes de 500 livres. D’autres livraisons prévues prochainement devraient être réexaminées, en fonction des événements à Rafah.
Il s’agit là d’un avertissement clair, mis en scène par des fuites dans la presse, adressé au premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou. « Je l’ai dit clairement à “Bibi” et au cabinet de guerre : ils n’auront pas notre soutien s’ils vont dans les centres de population », a averti Joe Biden, dans un entretien à CNN, diffusé dans la soirée.
Le président américain a souligné que, pour l’heure, les Israéliens avaient pris seulement le poste-frontière de Rafah, provoquant ainsi des « problèmes » avec l’Egypte, interlocuteur essentiel de Washington dans cette crise. Mais Joe Biden a déclaré : « [En cas d’opération d’envergure,] nous ne fournirons pas d’armes et d’obus d’artillerie. » Il s’agit d’un tournant, mais pas d’une rupture stratégique, dans le soutien total de l’administration américaine à Israël depuis le 7 octobre 2023.
Le 6 mars, le Washington Post avait révélé que près de cent livraisons d’armes avaient déjà été organisées en six mois, soit un véritable pont aérien. Le 24 avril, Joe Biden a signé une loi, votée au Congrès, qui accordait 15 milliards de dollars (14 milliards d’euros) d’aide supplémentaire à Israël et aux Palestiniens. Sur cette somme, 5 milliards étaient destinés aux trois systèmes de défense antimissile de l’Etat hébreu.
Exaspération, appréhension, interrogation
Il n’est pas question de remettre ce paquet en question. Il est vu comme crucial, à l’aune de la récente attaque de l’Iran contre Israël, par drones et missiles. En revanche, les Etats-Unis remettent en question la livraison de bombes massives utilisées de façon indiscriminée par Israël. Très tardivement, sept mois après le début du conflit, l’administration américaine utilise enfin ce levier de pression, alors qu’on ne connaît pas l’état des stocks israéliens.
Cette décision traduit à la fois une exaspération causée à Washington par Benyamin Nétanyahou, une appréhension quant aux conséquences d’une opération massive à Rafah et enfin une interrogation juridique sur la responsabilité américaine. « Des civils ont été tués à Gaza à cause de ces bombes [américaines] et d’autres moyens utilisés pour attaquer des zones peuplées », a reconnu Joe Biden sur CNN.
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