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PFAS : les députés adoptent une proposition de loi visant à réduire l’exposition aux « polluants éternels », sans interdire les ustensiles de cuisine qui en contiennent

La majorité alliée aux Républicains et au Rassemblement national a « cédé aux lobbyings de Seb, au détriment de la santé des Français », ont réagi les députés écologistes. La veille, des salariés de Seb avaient manifesté devant l’Assemblée pour demander le retrait de la proposition de loi.

Le Monde avec AFP

Publié le 04 avril 2024 à 16h32, modifié le 05 avril 2024 à 12h19 (republication de l’article du 04 avril 2024 à 08h20)

Temps de Lecture 3 min.

Des salariés de Seb manifestent devant l’Assemblée nationale, à Paris, le 3 avril 2024.

Les députés ont adopté à l’unanimité, en première lecture, jeudi 4 avril, une proposition de loi pour restreindre la fabrication et la vente de produits contenant des « polluants éternels », ou PFAS. Cette proposition de loi a fait l’objet de vifs débats entre la gauche et le camp présidentiel, et, plus feutrés, entre le gouvernement et la majorité. Elle a finalement été approuvée à l’unanimité, avec 186 voix pour et zéro contre. « Ce texte est une première avancée majeure, dont on peut collectivement être fiers. Pour la première fois, l’Assemblée nationale adopte un texte sur le fléau des polluants éternels », a lancé le député écologiste Nicolas Thierry, à l’origine de la proposition de loi.

L'ensemble de la proposition de loi visant à protéger la population des risques liés aux per- et polyfluoroalkylées (première lecture) : adoptée avec 100,00 % des suffrages
Cet hémicycle et les barres représentent le vote à l'Assemblée nationale, le 4 avril 2024, des 213 députés qui ont pris part au vote sur 577.
Couleurs adaptées aux daltoniens
pour (186)
× contre (0)
abstentions (27)
n'ont pas pris part au vote (363)

Très présentes dans la vie courante, notamment dans les poêles en Teflon, les emballages alimentaires, les textiles et les automobiles, les substances per- et polyfluoroalkylés appelés PFAS doivent leur surnom de « polluants éternels » à leur cycle de vie très long et, pour certaines, à leur effet néfaste sur la santé. Cette adoption « est une première belle victoire sur le chemin de la sortie inéluctable des PFAS », « la mobilisation citoyenne a porté ses fruits », s’est félicité François Veillerette, porte-parole de Générations futures.

Pour être définitivement adopté, ce texte devra encore être examiné par le Sénat. Il pourrait être repris par les sénateurs écologistes dans le cadre de la journée qui leur est réservée, le 30 mai.

Le camp présidentiel avait rapidement sorti du périmètre du texte les ustensiles de cuisine. La majorité avait d’abord proposé de repousser l’interdiction concernant les ustensiles de cuisine de 2026 à 2030, un compromis rejeté par les écologistes, qui ne voulaient pas aller au-delà de 2027. Le camp présidentiel a répliqué en supprimant purement et simplement l’alinéa concernant ces produits. « Encore une fois », la majorité alliée aux Républicains et au Rassemblement national aura « cédé aux lobbyings [du fabricant] Seb, au détriment de la santé des Français. C’est une honte », ont réagi les députés écologistes. « On a perdu 2 millions d’emplois industriels ces dernières décennies en France (…) Qui va nous faire croire que tout ça c’est la faute de l’écologie ? », a de son côté lancé dans l’hémicycle le député LFI François Ruffin.

Plusieurs centaines de salariés de Seb, soutenus par leur direction, avaient organisé mercredi une « casserolade » à proximité de l’Assemblée nationale pour demander le « retrait » de la proposition de loi. Cette dernière menacerait selon eux 3 000 emplois dans les usines de Rumilly (Haute-Savoie) et de Tournus (Saône-et-Loire), qui fabriquent notamment les poêles Tefal. Le polytétrafluoroéthène utilisé pour le revêtement de ces dernières n’est pas dangereux, assure le groupe. Jeudi, une porte-parole du groupe SEB s’est dite « rassurée que la science et la raison l’aient emporté aujourd’hui dans l’hémicycle ». « Comme pour l’amiante, le patronat nous prédit une catastrophe industrielle si les PFAS sont interdits », a fustigé la CGT dans un communiqué.

Pour Nicolas Thierry, interrogé par Le Monde, « cette loi est avant tout faite pour protéger les salariés qui sont en première ligne face à cette pollution. Les lobbys industriels essaient de faire peser une menace sur cette proposition de loi avec un chantage à l’emploi ». Estimant que « nous devons faire face à un scandale sanitaire de grande ampleur, peut-être la plus grande pollution massive de notre histoire », il disait mercredi « espérer que chaque député votera (it) en responsabilité ».

« Niveau européen »

Le gouvernement a émis des réserves quant au projet de loi et mis en avant mercredi le travail en cours au niveau européen. « C’est bien au niveau européen qu’il faut se battre sur ce sujet-là, le levier européen est le bon levier » afin de ne pas affaiblir l’industrie française vis-à-vis de celles des pays voisins, a déclaré dans l’hémicycle le premier ministre, Gabriel Attal.

Le texte de Nicolas Thierry propose de réduire l’exposition de la population à ces molécules en interdisant la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de certains produits qui en contiennent.

Dans sa version initiale, il prévoyait d’interdire l’usage des PFAS à compter de juillet 2025 pour certains produits et de 2027 pour les autres, avec d’éventuelles dérogations. Afin d’obtenir une majorité en commission du développement durable la semaine dernière, M. Thierry a accepté d’en limiter les ambitions.

La version présentée dans l’hémicycle prévoyait ainsi d’interdire à compter du 1er janvier 2026 tout ustensile de cuisine, produit cosmétique, produit de fart (pour les skis) ou produit textile d’habillement contenant des substances per- et polyfluoroalkylées, à l’exception des vêtements de protection pour les professionnels de la sécurité. L’ensemble des textiles seraient concernés par l’interdiction à compter du 1er janvier 2030. Le secteur des emballages sortait toutefois du périmètre de la loi, dans la mesure où un règlement européen doit « très prochainement » l’encadrer plus strictement.

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Autres mesures : l’application du principe pollueur-payeur, avec une taxe visant les industriels qui rejettent des substances per- et polyfluoroalkylées, malgré l’opposition du gouvernement. Ou encore l’obligation de contrôler la présence de PFAS dans l’eau potable sur tout le territoire. La majorité a également fait adopter un article qu’elle avait ajouté en commission, qui prévoit la fin des rejets aqueux de PFAS dans les cinq ans.

L’Agence européenne des produits chimiques a publié en 2023 un projet allant dans le sens d’une large limitation des PFAS, mais « cette initiative est conditionnée à un long processus décisionnel et pourrait aboutir, dans le scénario le plus favorable, à l’horizon 2027-2028 », selon M. Thierry.

Le Monde avec AFP

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