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Comment des « travailleurs du clic » ont entraîné, sans le savoir, les IA de vidéosurveillance du Kremlin

Des sociétés russes de vidéosurveillance « intelligente » ont eu recours, malgré les sanctions, à des travailleurs à l’étranger pour entraîner leurs logiciels, utilisés pour réprimer les manifestations anti-Poutine.

Par  (The Bureau of Investigative Journalism, avec Leonie Kijewski, Hannes Munzinger, Carina Huppertz et Lukas Kotkamp)

Publié le 27 mars 2024 à 06h00, modifié le 27 mars 2024 à 08h43

Temps de Lecture 6 min.

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« Le Kremlin est revanchard, constate Dan Storyev, éditeur de la section anglophone d’OVD-Info, une organisation non gouvernementale (ONG) de défense des droits humains russe. Depuis l’enterrement [d’Alexeï Navalny], il s’attaque aux individus qui y étaient, en essayant de les identifier sur les images de vidéosurveillance. »

Au moins 19 personnes qui ont assisté à des rassemblements de soutien à M. Navalny, mort le 16 février dans la colonie pénitentiaire russe où il était détenu, ont ainsi été arrêtées après avoir été identifiées sur des images de vidéosurveillance. Parmi elles, une femme qui avait déposé des fleurs en mémoire de l’opposant politique, et une autre filmée lors des funérailles, selon OVD-Info. « Le Kremlin a des moyens techniques sophistiqués. Ce sont des experts lorsqu’il s’agit de détruire la société civile et de construire un régime autoritaire. Ils utilisent tous les outils à leur disposition pour se maintenir au pouvoir, et leur arsenal est gigantesque », analyse M. Storyev.

Le média britannique The Bureau of Investigative Journalists (TBIJ) a enquêté, en partenariat avec les rédactions de Follow the Money et de Paper Trail Media, sur les liens existant entre les programmes de surveillance russes et une plate-forme de « travailleurs du clic », rémunérés pour effectuer des microtâches en ligne. Ces travailleurs précaires ont été embauchés pour entraîner les logiciels de reconnaissance faciale déployés à Moscou, par l’intermédiaire de Toloka, une plate-forme installée à Amsterdam.

Lire le récit | Article réservé à nos abonnés A Moscou, Alexeï Navalny traité en ennemi jusque dans la tombe

Cette filiale du géant du numérique Yandex, souvent appelé le « Google russe », a trouvé des prestataires pour deux sociétés russes : Tevian and NTechLab. Pourtant, ces deux entreprises ont été sanctionnées par l’Union européenne (UE) pour leurs contributions aux « violations graves des droits humains en Russie, incluant des arrestations arbitraires ». Ce qui interdit toute collaboration avec elles de la part de sociétés européennes ; Toloka assure que les contrats pour Tevian et NTecLab étaient gérés par une société sœur, de droit russe.

Vidéosurveillance des rues et du métro de Moscou

Tevian et NTechLab sont des fournisseurs privilégiés de logiciels pour le système de vidéosurveillance de la voie publique de Moscou, l’un des plus développés au monde. Ses caméras à reconnaissance faciale, installées dans le métro et les rues de la ville, scannent les visages et les comparent à une « liste de surveillance ».

« Où que vous soyez à Moscou, vous pouvez être immédiatement reconnu, et cela peut être utilisé contre vous », raconte M. Goussev. En mars 2021, alors qu’il est élu local, il reçoit un appel de la police l’informant qu’elle détient une vidéo de lui à une manifestation de soutien à M. Navalny. Il est convoqué au commissariat. Moins de deux semaines plus tard, il fuit Moscou pour échapper à un procès – il était accusé d’avoir organisé la manifestation. « J’ai dû quitter la Russie parce que j’ai compris que ce dossier était très sérieux, et qu’il y avait de fortes chances que je reçoive une condamnation pénale », retrace M. Goussev, qui reconnaît avoir participé à la manifestation mais assure qu’il ne l’a pas organisée.

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