C’est une tentative de mise à l’écart à laquelle Marine Le Pen n’avait plus été confrontée depuis longtemps. Dans une interview à L’Humanité mise en ligne dimanche 18 février, Emmanuel Macron a fait part de sa désapprobation quant à la venue de la cheffe du Rassemblement national (RN) à la cérémonie de panthéonisation de Mélinée et Missak Manouchian, mercredi 21 février. « Les forces d’extrême droite seraient inspirées de ne pas être présentes, compte tenu de la nature du combat de Manouchian », a déclaré le chef de l’Etat, invoquant « l’esprit de décence » et « le rapport à l’histoire », qui « devraient conduire [le RN] à faire un choix ».
La prise de position présidentielle rompt avec la doctrine jusqu’ici employée à l’égard de Marine Le Pen. Sa présence à la marche contre l’antisémitisme du 12 novembre 2023, au lendemain des attaques terroristes du Hamas du 7 octobre en Israël, avait certes suscité la polémique avec la gauche mélenchoniste, mais elle n’avait pas entraîné de prise de position du chef de l’Etat, et la fille de Jean-Marie Le Pen avait pu défiler sans heurt dans les rues de Paris.
Sa participation à l’hommage national aux victimes françaises du Hamas, le 7 février aux Invalides, n’avait pas davantage suscité de réaction. La cheffe de file du groupe RN à l’Assemblée nationale avait même pu se permettre de dénoncer la présence des députés de La France insoumise (LFI), à l’unisson de certaines familles de victimes et des représentants de la communauté juive.
Marine Le Pen croyait-elle sa présence définitivement normalisée lors de rassemblements commémoratifs touchant à la seconde guerre mondiale ou à l’antisémitisme ? L’intervention du président de la République apparaît la renvoyer en tout cas à une époque qu’elle croyait révolue, où le RN, mis au ban de la vie politique, était réputé « infréquentable ».
Aussi la sortie d’Emmanuel Macron, « outrageante et outrageuse », l’a-t-elle mise en colère lundi. Elle y voit, dit-elle au Monde, l’« instrumentalisation politique » d’un « moment d’unité de la nation, une faute politique grave et une faute morale qui ne l’est pas moins ». Le chef de l’Etat est un homme, dénonce-t-elle, « animé de petits sentiments et dépourvu de tout principe ». La cheffe de file de l’extrême droite considère que « c’est [son] absence qui eût été étonnante », feignant d’ignorer que Missak Manouchian incarnait ce contre quoi s’est toujours battu son mouvement : le communisme, l’internationalisme et l’étranger en France.
Et son dauphin, Jordan Bardella, d’embrayer, lors d’un déplacement à Menton (Alpes-Martimimes), où il visitait, lundi, un poste-frontière entre la France et l’Italie : « Le président n’a pas à trier qui sont, selon lui, les bons ou les mauvais élus de la République française, décrète le président du RN. Nous représentons des millions de Français, nous sommes parfaitement irréprochables, ce qui n’est peut-être pas le cas de tous les mouvements politiques dans l’histoire. »
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