Les téléspectateurs polonais ont eu droit à un drôle de spectacle sur leur écran, mercredi 20 décembre. En matinée, la chaîne publique d’information en continu TVP Info a soudainement cessé d’émettre. Ses journalistes ont tenté de se réfugier en direct sur la plate-forme YouTube pour disparaître à nouveau dans l’après-midi. Depuis, c’est le silence sur la chaîne hertzienne. Son site Internet, suspendu dans la matinée, renvoyait le 20 décembre au soir au portail de la maison mère : TVP.pl. Les programmes des autres chaînes du service public ont également été perturbés, et leurs journaux télévisés n’ont pas été diffusés. En guise de JT de 19 h 30 sur TVP 1, un nouveau présentateur a annoncé le retour d’un bulletin d’information dès jeudi 21 décembre, qui refléterait une « photographie » plus authentique des événements, contrairement à « celle qui a été peinte dans ces studios pendant huit ans, utilisant des couleurs sélectionnées à dessein ».
Les nationaux-conservateurs de Droit et justice (PiS) au pouvoir à Varsovie entre 2015 et 2023 s’étaient effectivement empressés de mettre la main sur l’audiovisuel public, transformant la télévision publique en relais de l’action gouvernementale et en machine à calomnier l’opposition, jamais conviée en studio. A l’époque où le durcissement de la loi sur l’avortement en Pologne avait conduit des dizaines de milliers de manifestants dans les rues, en octobre 2020, TVP titrait dans l’un de ses bandeaux d’information : « Le fascisme de gauche détruit la Pologne ».
Quelques minutes avant que TVP Info ne disparaisse des écrans, le ministère de la culture annonçait dans un communiqué avoir limogé les présidents des conseils d’administration des télévisions et des radios publiques ainsi que celui de l’Agence polonaise de presse (PAP), remplacés par de nouveaux conseils d’administration. Le ministère a justifié ce passage à l’acte en s’appuyant sur une résolution que la Chambre basse avait adoptée la veille. Cette dernière, dominée par les élus de la coalition pro-européenne sortie gagnante des élections d’octobre, avait enjoint le 19 décembre à « toutes les autorités de l’Etat de prendre immédiatement des mesures visant à rétablir l’ordre constitutionnel en ce qui concerne l’accès des citoyens à des informations fiables ».
« Standards journalistiques non respectés »
Donald Tusk, investi le 13 décembre en tant que premier ministre, n’avait jamais caché vouloir en finir avec la propagande de l’audiovisuel public, et le bruit courait que ce serait chose faite avant Noël. « Nous aurons besoin exactement de vingt-quatre heures pour que la télévision pro-PiS et progouvernementale devienne publique », avait-il promis fin septembre lors d’un meeting électoral. Une semaine aura finalement suffi à sa coalition gouvernementale pour s’emparer du dossier, en utilisant un vide juridique du droit des sociétés.
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