Une nouvelle digue est en train de tomber. Et une nouvelle étape dans la normalisation des idées d’extrême droite a déjà été franchie. Les sept députés et sept sénateurs réunis, lundi 18 décembre, en commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi « immigration » n’ont toujours pas trouvé d’accord, les discussions bloquant sur la question des prestations sociales. Ils ont préféré suspendre leurs travaux dans la nuit, pour une reprise mardi matin.
Le texte actuel, venu du Sénat, prévoit d’instaurer une condition d’ancienneté ou de travail sur le territoire national pour les étrangers non européens en situation régulière, avant qu’ils puissent accéder à certaines prestations sociales non contributives − allocations familiales, aide personnalisée au logement (APL), allocation adulte handicapé. Une rupture idéologique avec le droit de la protection sociale issu du préambule de la Constitution de 1946.
Le sujet a cristallisé les tensions au sein de la CMP toute la soirée, la majorité souhaitait exclure les APL des prestations nouvellement conditionnées pour les étrangers, quand Les Républicains (LR) voulaient les inclure. Mais dans sa quête d’un accord à tout prix avec la droite, après le vote, lundi 11 décembre, d’une motion de rejet du texte à l’Assemblée, l’exécutif s’est d’ores et déjà plié à conditionner les allocations familiales, une mesure défendue depuis des années par l’extrême droite. « C’est une victoire idéologique de ma famille politique », s’est d’ailleurs félicitée la députée Rassemblement national (RN) du Var Laure Lavalette, lundi soir, sur BFM-TV.
Radicalisation des idées
En 2022, Marine Le Pen voulait purement et simplement réserver les allocations familiales « exclusivement aux Français ». Elle proposait de conditionner les autres prestations, y compris les APL ou l’allocation adulte handicapé, à cinq ans de travail à temps plein pour les étrangers. Une application de la « préférence nationale » au cœur du programme du Front national depuis quarante ans, lorsque le concept est pour la première fois décliné lors des élections législatives de 1986.
Au-delà du RN, cela fait maintenant plusieurs années que la droite a repris ces thèses. En 2017, le candidat de LR à l’élection présidentielle, François Fillon, prévoyait de « subordonner l’accès aux principales prestations sociales à deux ans de résidence régulière en France ». Signe que les idées se radicalisent au fur et à mesure, en 2022, la candidate de la droite, Valérie Pécresse, avait augmenté ce délai à cinq ans dans son programme. « Petit à petit, une sorte de préférence nationale devient la norme », analyse Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos.
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