La scène remonte au mois de juillet, quelques heures à peine avant l’ouverture du sommet annuel de l’OTAN, à Vilnius, en Lituanie. Tout sourire, le secrétaire général, le Norvégien Jens Stoltenberg, annonce à la surprise générale que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, vient d’accepter de lever son opposition à la candidature de la Suède à l’Alliance atlantique. Le diplomate norvégien se félicite d’un jour « historique », immédiatement applaudi par le président américain, Joe Biden, qui salue « la diplomatie, le courage et le leadership » de son homologue d’Ankara.
Deux jours plus tard, le 12 juillet, à la fin du sommet, Recep Tayyip Erdogan précise qu’« à l’automne, lorsque les travaux de la législature reprendront, le speaker du Parlement [turc] portera le protocole d’adhésion de Stockholm au vote » et ajoute : « Nous voulons que ce processus prenne fin aussi vite que possible. »
Les mois ont passé et le constat s’impose : la Turquie n’a toujours pas ratifié l’accession de la Suède, et l’heure est au grand flou quant à la possibilité qu’Ankara tienne sa promesse. Le président turc a bien envoyé le protocole d’accord au Parlement, fin octobre. Mais la commission des affaires étrangères, largement dominée par la formation du chef de l’Etat, le Parti de la justice et du développement (AKP), a ajourné, le 16 novembre, les débats sur le texte, sans plus de précisions.
Aucune explication n’a réellement été avancée. A peine a-t-on appris qu’une motion des députés AKP avait été déposée, selon laquelle les négociations avec Stockholm n’étaient « pas parvenues suffisamment à maturité ». Le président de la commission, Fuat Oktay, a ensuite déclaré aux journalistes que l’ambassadeur suédois pourrait être invité à la prochaine session afin de fournir des informations supplémentaires sur les mesures prises par son pays pour répondre aux préoccupations de la Turquie en matière de sécurité. Et puis, plus rien.
Seule certitude, les autorités d’Ankara ont prévenu l’Alliance atlantique, il y a quelques jours, que le vote n’aurait pas lieu avant la réunion des ministres des affaires étrangères de l’OTAN, prévue à Bruxelles mardi 28 et mercredi 29 novembre.
« Méfiance, désaccords et intérêts contradictoires »
Etrange situation que celle de la Turquie, un pays de l’OTAN parmi d’autres, en principe, mais qui semble délibérément vouloir rappeler, à chaque occasion, qu’il est un allié difficile et indocile, soucieux de maximiser indéfiniment ses intérêts ou ses gains, quitte à faire apparaître ses propres contradictions et à épuiser la « patience stratégique » de ses alliés.
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