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Chez les juifs français, la peur et le sentiment d’un grand isolement : « Il n’y a pas beaucoup de monde pour nous soutenir »

Depuis le début des années 2000, les juifs français se sont souvent sentis abandonnés par l’Etat et par la société, face à la montée de l’antisémitisme. Une angoisse qui s’est accentuée depuis l’attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre.

Par  et

Publié le 06 novembre 2023 à 05h30, modifié le 07 novembre 2023 à 11h22

Temps de Lecture 14 min.

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Lors de la marche en soutien à Israël, à Paris, le 9 octobre 2023.

Elle est là, debout, à l’écart de la foule, bras croisés, visage fermé, comme figée. Elle n’avance pas lorsque le cortège se met en marche. Ana (son prénom a été modifié, comme pour les personnes présentées par leur seul prénom) a 38 ans, c’est la première fois qu’elle participe à une manifestation. Nous sommes le 9 octobre 2023, à Paris, deux jours après le massacre commis par le Hamas en Israël. Plusieurs organisations ont appelé à marcher pour dénoncer le terrorisme et manifester leur soutien à l’Etat hébreu.

Ana a longtemps hésité avant de venir. Elle n’adhère pas à une partie du slogan d’appel à se rassembler, qu’elle juge trop politique : « Solidarité avec Israël ». Elle ne cautionne pas la politique menée par le gouvernement israélien, bien trop à droite pour elle. Mais elle aime Israël. Inconditionnellement. « Et ça, j’ai l’impression que je n’ai pas le droit, lâche-t-elle. J’ai le sentiment de ne pas avoir le droit, ici, en France, de dire que je suis triste, personne autour de moi ne veut entendre ma peine, parce que partager ma peine, pour beaucoup, ce serait prendre position dans le conflit israélo-palestinien. C’est absurde. » Comme si les victimes et les otages du Hamas n’étaient « pas des êtres humains », souffle-t-elle, mais « uniquement des objets politiques ».

Alors, pour se sentir « moins seule » et dire toute sa douleur, elle a fini par se décider à rejoindre la place Victor-Hugo, dans le 16e arrondissement de la capitale. « Mais nous ne sommes pas si nombreux, et il n’y a que des juifs, regrette-t-elle en balayant la foule du regard, il n’y a pas beaucoup de monde pour nous soutenir. » Il n’y avait « que » 16 000 personnes, selon les chiffres de la Préfecture de police de Paris, 20 000 selon le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF).

« Défaut de fraternité »

Ce sentiment d’isolement habite de nombreux citoyens de confession juive. Seuls face à la haine, seuls face à la peur. « Il s’est constitué un système homéostatique où les juifs de France ont compensé une confiance relative en la capacité de l’Etat français à les protéger de l’antisémitisme par une confiance absolue dans la capacité d’Israël à les accueillir en cas de problème, explique Danny Trom, directeur de recherches au CNRS, spécialiste du monde juif et cofondateur de la revue en ligne K. C’est ça qui a été détruit le 7 octobre. Quand Israël est attaqué et qu’il y a une vague d’antisémitisme en France, les juifs se sentent attaqués par les deux bouts. » Avec l’attaque du Hamas, l’« Etat refuge » que représentait Israël n’est plus une solution de repli.

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