Camilla et Ajar L. se voulaient sans doute les meilleures ambassadrices de leur fructueux commerce : pas une parcelle de leur visage qui ne soit pulpée, lissée, gonflée, tirée, arquée, remodelée. Les deux sœurs, âgées de 25 et 22 ans, comparaissaient mercredi 13 septembre devant le tribunal correctionnel de Valenciennes (Nord) pour avoir pratiqué des injections illégales de Botox et d’acide hyaluronique sur plus de six cents « clientes », dont vingt-quatre ont porté plainte.
On prend d’abord pour une troisième sœur la femme assise au premier rang du public, mêmes pommettes sculptées, fausse chevelure orangée égayée d’une fleur en plastique bleu électrique assortie à son tee-shirt tendu à craquer. On comprend plus tard que la dame sans âge est leur mère. Et l’on avance à la rencontre de la bêtise, de la vénalité et d’Instagram.
Filochées pendant des semaines par une équipe de la gendarmerie de Villeneuve-d’Ascq, les deux jeunes femmes ont été interpellées en flagrant délit, un dimanche de mai, à la sortie d’une « session d’injections ». Au domicile de leur mère, chez qui elles vivaient, les gendarmes ont saisi des centaines de seringues et de flacons, dont certains périmés, portant des étiquettes russes ou coréennes.
Leur enquête avait commencé par l’identification d’un compte Instagram, « Injection Lille » et son jumeau Snapchat, sur lequel s’affichait l’avatar d’une jeune femme brune et pulpeuse, « Dr Lougayne », garantissant à ses « chéries » les « meilleurs résultats pour sublimer vos bouches », le tout illustré de photos avant-après piquées sur Internet. En remontant l’adresse IP, ils étaient tombés sur Camilla L., inconnue à l’ordre des médecins, titulaire de plusieurs comptes bancaires et PayPal, sur lesquels ils avaient retrouvé la trace de 623 transactions en moins de deux ans. Ses gains sont estimés à 122 000 euros.
Recommandations d’influenceuses
« Ma passion, c’est d’embellir la femme », énonce d’une voix assurée Camilla L., seule à comparaître détenue. Une leçon retenue de son CAP d’esthéticienne, dit-elle.
« On n’a pas retrouvé votre diplôme, observe la présidente.
– Je sais plus où je l’ai mis… », soupire la prévenue, en agitant la natte de cheveux noirs qui tombe sur ses reins.
Pour les injections, elle s’est « formée auprès d’une Russe et d’une Ukrainienne », dont elle tait les noms. « Et après, je me suis désignée comme cosmétologue sur les réseaux sociaux. Je me suis développée, j’étais très convaincante », poursuit-elle du même ton tranquille.
Pour les tarifs, elle explique s’être « alignée sur ceux des autres filles », toujours « sur les réseaux sociaux ».
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