Réunis à Tolède, en Espagne, jeudi 31 août, les ministres des affaires étrangères de l’Union européenne sont restés extrêmement prudents sur la position à adopter au Sahel. S’ils s’accordent sur la création d’un régime de sanctions contre la junte au pouvoir au Niger depuis le 26 juillet, il en va tout autrement sur le plan militaire. La perspective d’une intervention militaire, évoquée un temps par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), est pour l’instant totalement écartée. La France, qui soutient cette option si nécessaire, est apparue isolée.
Le coup d’Etat au Gabon du 30 août a été également évoqué, et condamné, mais « il n’a rien à voir avec la situation au Niger, a souligné Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne. Au Niger, un président démocratiquement élu a été déposé, alors qu’au Gabon, le président a été reconduit après des élections dont le caractère démocratique suscite de nombreux doutes ».
De manière générale, le sort du président gabonais Ali Bongo a bien moins été discuté que celui de son homologue nigérien, Mohamed Bazoum, sous résidence surveillée depuis le 26 juillet. « Le coup d’Etat au Niger marque une nouvelle ère d’instabilité dans la région du Sahel, a commenté M. Borrell. Et les ministres des affaires étrangères ont été très clairs : il faut donner priorité à la voie diplomatique pour rétablir l’ordre constitutionnel. Ils ont également réaffirmé leur volonté de trouver une solution africaine à une situation africaine, d’où notre soutien à la Cedeao. »
La France « n’a aucun intérêt à s’afficher »
Invités à Tolède pour expliquer la situation sur le terrain, le président de commission de la Cedeao, Omar Alieu Touray, et le ministre des affaires étrangères du gouvernement renversé au Niger, Hassoumi Massoudou, ont rappelé que « le seul cadre de gestion de cette crise est celui de la Cedeao ».
« Il ne faut pas que l’Europe soit perçue comme imposant sa solution de l’extérieur », a estimé Alexander Schallenberg, le chef de la diplomatie autrichienne. Très discrète, Catherine Colonna, son homologue française, a évité les micros et les caméras. « Aujourd’hui, la France est prise pour cible au Niger, donc elle n’a aucun intérêt à s’afficher », décrypte un diplomate européen.
A Niamey, le même jour, jeudi, la junte a de son côté annoncé la levée de l’immunité diplomatique de l’ambassadeur français, Sylvain Itté, et demandé à la police de l’expulser du pays. La France, qui ne reconnaît pas les militaires au pouvoir, n’a pas donné suite. M. Borrell s’est dit solidaire de Paris, qui réclame cependant une plus grande fermeté. « Certains pensent que ce coup d’Etat va passer tout seul, comme le pensent les Etats-Unis, analyse une source diplomatique. Mais on l’a vu au Mali, au Burkina Faso, le retour à la démocratie après un coup d’Etat est extrêmement compliqué… » Pour peser, ajoute cet interlocuteur, « il faut exercer une pression continue. Sans cela, il ne se passera rien ».
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