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A Bruxelles, la nomination choquante de Fiona Scott Morton

Le recrutement par la direction générale de la concurrence de l’Américaine, qui a conseillé des géants américains du numérique, pose un risque en matière de conflits d’intérêts et nourrit les sentiments eurosceptiques.

Publié le 17 juillet 2023 à 12h00, modifié le 18 juillet 2023 à 08h04 Temps de Lecture 2 min. Read in English

Il y a encore quelques jours, le chef économiste de la direction générale de la concurrence de la Commission européenne bénéficiait d’un relatif anonymat en dehors des cercles communautaires. Il s’agit pourtant d’un poste dont le titulaire joue un rôle central dans les décisions que peut prendre Margrethe Vestager, la commissaire chargée d’enquêter sur les comportements anticoncurrentiels des entreprises, d’autoriser les fusions et acquisitions, mais aussi de valider les aides d’Etat au secteur privé. L’annonce, mardi 11 juillet, de la nomination de l’Américaine Fiona Scott Morton a donné à cette fonction une visibilité inattendue en créant une vive polémique, que Bruxelles aurait pu s’épargner, à moins d’un an des élections européennes.

Lire aussi l’entretien : Article réservé à nos abonnés « Fiona Scott Morton est un cheval de Troie pour Big Tech » à la Commission européenne

Le profil de la candidate est problématique à plusieurs titres. Il est d’abord étrange que la Commission ait choisi de faire appel à une citoyenne des Etats-Unis pour occuper une fonction aussi sensible au sein d’une direction générale où la notion de souveraineté tient une place centrale. En principe, les institutions communautaires sont tenues d’embaucher des ressortissants de l’UE. Déroger à cette règle pour un tel poste paraît incompréhensible.

La nomination est d’autant plus choquante que le parcours de Mme Scott Morton pose question par rapport aux dossiers sur lesquels elle aura à se prononcer. Présentée comme une brillante enseignante de l’université Yale (Connecticut), ex-responsable de la division antitrust au sein du ministère de la justice des Etats-Unis, elle fait état dans son CV d’une activité de « consultante indépendante » qui l’a amenée à conseiller des géants américains du numérique comme Apple, Microsoft ou Amazon. Autant d’entreprises que l’UE scrute à la loupe pour leurs pratiques anticoncurrentielles et qu’elle soumet désormais à une nouvelle régulation plus dure.

Le révélateur d’une certaine déconnexion

La Commission européenne fait valoir que la lobbyiste américaine était la « meilleure candidate » pour occuper le poste. Qu’un espace de vingt-sept pays doté d’un arsenal antitrust parmi les plus sophistiqués du monde ne soit pas en mesure de fournir des talents capables de rivaliser avec les compétences de Mme Scott Morton a de quoi étonner.

La Commission a tenté de désamorcer la polémique en envisageant que Mme Scott Morton puisse être écartée pendant deux ans des dossiers en lien avec les entreprises pour lesquelles elle a travaillé en tant que consultante. L’argument laisse entendre qu’il existe bien un risque de conflit d’intérêts. Par ailleurs, si elle doit se déporter d’affaires qui sont au cœur de la stratégie européenne sur l’encadrement du numérique, sa nomination perd une bonne partie de sa justification.

Que la Commission ne voie pas l’effet dévastateur d’une telle décision est révélateur d’une certaine déconnexion. Toute nomination revêt une dimension politique que Margrethe Vestager et Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, feignent d’ignorer. Ce choix ne peut que nourrir les sentiments eurosceptiques, sur un vieux fond d’antiaméricanisme, qui, depuis quelques jours, ne manquent pas de se déchaîner.

Alors qu’à quelques mois de la fin de son mandat la Commission peut se féliciter du travail accompli sur la régulation du numérique, elle commet là un faux pas qui alimente les réflexes populistes à la veille d’élections européennes cruciales. Les présidents des trois premiers groupes politiques du Parlement européen (centristes, socialistes et conservateurs) en sont bien conscients. Ils appellent Mme Vestager à renoncer à cette nomination. Elle serait bien avisée de les écouter.

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