Les braises étant encore ardentes, inutile d’en estimer le poids à cette heure. Face au défi sans précédent posé par le Groupe Wagner au Kremlin le temps d’un week-end, l’administration Biden a adopté une position vigilante et prudente. Elle a été formulée dès dimanche 25 juin par le secrétaire d’Etat, Antony Blinken, sur les plateaux de télévision. Si la marche avortée de Wagner vers Moscou est une « affaire intérieure », elle n’en révèle pas moins des « fêlures nouvelles » dans le régime russe. « C’est simplement le dernier chapitre dans le livre des échecs que Poutine a écrit pour lui-même et pour la Russie », a dit M. Blinken sur NBC.
De son côté, le Washington Post a révélé que les services américains avaient détecté dès la mi-juin des préparatifs de Wagner en vue d’une opération d’envergure en Russie même. Contrairement aux semaines précédant la guerre en Ukraine, où l’administration Biden avait dénoncé la mobilisation militaire russe, elle a choisi cette fois de se taire. Elle n’avait intérêt ni à aider Vladimir Poutine, ni à prêter le flanc aux accusations inévitables d’un complot ourdi de l’étranger. « Nous n’avons donné aucune excuse à Poutine pour rendre l’Occident responsable de tout cela ou bien l’OTAN, a dit le président Joe Biden, lundi 26 juin. Nous avons clairement fait savoir que nous n’avions rien à voir avec cela. »
Dans la brume qui entoure la rébellion du Groupe Wagner, les Etats-Unis tirent un motif de satisfaction et d’inquiétude : l’affaiblissement de Vladimir Poutine. Cette ambivalence se trouve au cœur de la politique américaine vis-à-vis de Moscou. La peur du vide coexiste avec la volonté d’affaiblir. Un tel débat avait divisé l’administration de George Bush après l’échec du putsch contre Mikhaïl Gorbatchev en août 1991, jusqu’à la dissolution de l’URSS quelques mois plus tard. « Il existe une préoccupation constante en Occident, celle d’un écroulement de la Russie, qui serait prise en main par des forces plus vicieuses et folles que Poutine, avec des conséquences terribles en matière d’armes nucléaires, souligne Maria Snegovaïa, chercheuse au Center for Strategic and International Studies. Mais je me réjouis de voir la position de neutralité adoptée par l’administration Biden. L’Occident ne doit pas se faire peur avec des hypothèses catastrophistes, qui conduiraient à faire pression sur les Ukrainiens pour conclure un accord qui ne résoudrait rien. »
Frisson
Aujourd’hui, Washington cherche à neutraliser le potentiel nocif de la Russie en dehors de ses frontières, sur un plan militaire, cyber, ou celui de la désinformation. C’était déjà la visée principale de la rencontre entre Joe Biden et Vladimir Poutine à Genève en juin 2021, huit mois avant le début de la guerre en Ukraine. A présent, la priorité des alliés consiste à offrir aux Ukrainiens le maximum de soutien militaire pour faciliter leur contre-offensive et reprendre du terrain avant toute négociation.
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