Accepter un débat jusqu’au vote, au risque d’un camouflet ? Empêcher les discussions d’aboutir dans l’Hémicycle, promesse de nouvelles accusations en mépris du Parlement ? La position à tenir face à la proposition de loi du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT), attendue à l’Assemblée nationale le 8 juin et visant l’abrogation de la dernière réforme des retraites, a été arrêtée par la majorité, mardi 16 mai : tout sera fait pour éviter un scrutin à haut risque et à forte portée symbolique.
A l’issue d’une réunion commune, les trois groupes soutenant l’exécutif – Renaissance, MoDem, Horizons – ont acté une stratégie offensive contre un texte qu’ils rêvent même de ne pas voir inscrit à l’ordre du jour. Leur arme : l’article 40 de la Constitution, qui ne considère « pas recevables » les propositions de loi et amendements susceptibles d’entraîner « une diminution des ressources publiques » ou « la création ou l’aggravation d’une charge publique ». Sa posture à peine harmonisée, la majorité a donc insisté sur le coût de l’abrogation, estimé, selon ses membres, entre 15 milliards et 22 milliards d’euros.
Fini les tergiversations et le souhait de certains défenseurs de la réforme des retraites d’accepter le débat avec l’opposition. « De manière très claire et très nette, nos députés disent une chose simple : nous sommes du côté du respect de nos institutions et de notre Constitution », a répété, mardi, Aurore Bergé, cheffe du groupe Renaissance. Quitte à mettre en porte-à-faux la présidente de l’Assemblée nationale, issue de ses rangs, Yaël Braun-Pivet.
L’élue des Yvelines a refusé, mercredi, de remettre en cause la décision rendue par le bureau de l’institution en faveur de la recevabilité de la proposition de loi. « Son rôle est totalement transpartisan, ça n’est pas à elle de trancher à la base, nuance le député MoDem des Yvelines Bruno Millienne. Mais c’est notre responsabilité de parlementaires de faire appliquer la Constitution et de ne pas ouvrir demain la porte au grand n’importe quoi sur les finances publiques. » « On va nous dire que c’est du blocage ou autre, mais on n’est pas sérieux dans les équilibres budgétaires », démine son président de groupe, Jean-Paul Mattei.
« Obstruction »
La Constitution tout juste érigée en barrage contre l’abrogation de la réforme des retraites, l’opposition a vite dénoncé l’« obstruction » d’une majorité « fébrile » face à la perspective d’un premier vote au Palais-Bourbon sur un chantier majeur du second mandat d’Emmanuel Macron – le texte avait été adopté mi-mars en recourant à l’article 49.3 de la Constitution, qui permet de faire adopter un texte sans vote en engageant la responsabilité du gouvernement.
Il vous reste 51.93% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.