Il a traité son adversaire, Kemal Kiliçdaroglu, le candidat de la coalition d’opposition à la présidentielle du 14 mai, d’« alcoolique et ivrogne ». Il l’a qualifié de « terroriste », de « LGBT », d’« incroyant » aussi et d’autres noms d’oiseaux. Son ministre de l’intérieur, Süleyman Soylu, a affirmé d’un ton menaçant que l’Occident pourrait transformer le scrutin en un coup d’Etat. Et son ministre de la justice, Bekir Bozdag, a annoncé que, dimanche soir, jour de vote, il y aurait « ceux qui sabreront le champagne et feront la fête jusqu’au petit matin, ou ceux qui poseront sur le sol leur front pur en signe de prosternation, louant le Seigneur ».
Le président turc sortant, Recep Tayyip Erdogan, et ses hommes ont rarement fait dans la dentelle pour qualifier leurs opposants. Depuis une dizaine d’années, les discours entrecoupés de citations poétiques, fleuries et plutôt bien troussées de celui que l’on appelait autrefois pour sa faconde « le Rossignol du Coran » ont largement laissé la place à l’injonction et à l’invective, aux dérives autoritaires, assorties de côtés irascibles et orduriers. Mais rarement un tel degré n’avait été atteint.
Peut-être faut-il y voir une confirmation de l’importance extrême de ces élections. Un scrutin à double détente, présidentiel mais aussi législatif, décisif pour la République turque, tout juste centenaire cette année. L’ancien premier ministre, Binali Yildirim, candidat malheureux d’Erdogan à la mairie d’Istanbul en 2019, n’a-t-il pas d’ailleurs lui-même dit que « cette élection ne ressembl[ait] à aucune élection passée » ?
Une image sensiblement dégradée
En cas de nouveau blanc-seing électoral, le chef de l’Etat sortant pourrait, avancent de nombreux critiques et observateurs, faire définitivement glisser le pays vers un régime encore plus autoritaire. Kiliçdaroglu, de son côté, a annoncé vouloir restaurer la démocratie et l’Etat de droit.
Mais une victoire de l’opposition ne signifierait pas nécessairement que la Turquie prendrait une nouvelle direction. On ignore en effet si Erdogan accepterait la défaite ou si, comme aux municipales d’Istanbul, il pousserait à de nouvelles élections en cas de résultats trop serrés, ou encore s’il lâcherait ses partisans contre son successeur. Lui-même a encore affirmé, lundi, lors d’un meeting à Ankara, en citant nommément son adversaire : « Ma nation ne cédera pas le pouvoir à quelqu’un qui a été élu président avec l’aide du PKK [Parti des travailleurs du Kurdistan, en guerre contre l’Etat turc]. »
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