« Je considère qu’en l’état, les risques financiers, économiques sont trop grands. » C’est ainsi qu’Emmanuel Macron a justifié, jeudi 16 mars, en conseil des ministres, le recours au 49.3 pour faire passer sa réforme des retraites et, ainsi, contourner le Parlement. En clair, renoncer à ce projet de loi mettrait la signature du pays en péril pour emprunter sur les marchés financiers. Un argument déjà avancé en creux lors du premier conseil des ministres de l’année, qui ouvrait la séquence des retraites. Le 4 janvier, le chef de l’Etat signalait au gouvernement que la France empruntait désormais « au-dessus de 3 %, ce qui n’était pas arrivé depuis des années », y voyant un nouveau signe de la « fin de l’abondance ».
Ces derniers mois, le spectre de la faillite du pays a été brandi sans discontinuer par l’exécutif, pendant les débats au Parlement, sur les plateaux ou dans les négociations avec l’opposition. « C’est la réforme ou la faillite ! », a répété tout l’hiver le ministre délégué aux comptes publics, Gabriel Attal, promettant, le cas échéant, pas moins de « 500 milliards de dette supplémentaire ».
Le contexte n’est de fait guère favorable. A l’issue de deux crises successives – le Covid-19 puis la flambée des prix de l’énergie, qui ont essoré les finances du pays –, l’Hexagone s’apprête à passer officiellement le seuil des 3 000 milliards d’euros de dette. Et les taux qui remontent depuis un an ont déjà alourdi de 13 milliards d’euros la charge de la dette en 2022. Ces dernières semaines, tout en surveillant l’état de l’opinion, Emmanuel Macron a consulté discrètement des économistes de marché, histoire de garder un œil sur ces investisseurs capables de faire basculer un pays dans le chaos plus vite encore que des manifestants.
S’assurer de faire peur
Pour autant, en brandissant ce risque, le président « agite un chiffon rouge, relativise Ludovic Subran, économiste en chef d’Allianz. La réforme des retraites ne crée pas à elle seule un risque d’attaque spectaculaire sur la dette française, même si le coût auquel on se finance est lié à notre capacité à ne pas mobiliser exagérément nos ressources budgétaires. » Une dissolution serait davantage de nature à inquiéter nos créanciers, juge-t-il.
La dette française n’a d’ailleurs pas réagi aux événements politiques de la journée de jeudi, et continue de jouer son rôle de refuge face à la tempête bancaire en provenance des Etats-Unis. Les taux ont même légèrement baissé jeudi, du fait des annonces rassurantes de la Banque centrale européenne… La France bénéficie, pour l’instant, d’une forme d’indulgence généralisée face à la dette publique en Europe, liée à la succession des crises, indiquent les analystes. Le moment de vérité sera en réalité le budget 2024.
Il vous reste 12.28% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.