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« Uber Files » : du Parlement aux ministères, le lobbying tous azimuts d’Uber pour se faire accepter en France

Par  et
Publié le 11 juillet 2022 à 06h00, modifié le 03 novembre 2022 à 18h06

Temps de Lecture 8 min. Read in English

Bien plus qu’un tableau Excel, c’est le plan de bataille d’une start-up américaine partie à la conquête de la France. Ce fichier, siglé « confidentiel », apparaît parmi des milliers de documents obtenus par le Guardian et transmis au Monde et à ses partenaires dans le cadre de l’enquête internationale « Uber Files ». Au mois de juillet 2014, quelque 233 noms figurent dans ce tableau : des ministres, des conseillers, des parlementaires, mais aussi des journalistes, des éminents représentants de cercles d’influence ou encore des associations de consommateurs.

Extrait d’un document établi par le cabinet Fipra, en juillet 2014, listant les « cibles » de lobbying d’Uber en France.

Les dirigeants d’Uber, avec l’aide du cabinet de lobbying Fipra, ébauchent une stratégie pour approcher toutes celles et tous ceux qui pourraient appuyer sa cause. « Fonction », « pertinence pour Uber », « résumé des contacts », « prochaines étapes » : chaque profil fait l’objet d’une approche sur mesure. La société s’attache à « travailler massivement l’écosystème d’alliances (…) en parallèle du travail de conviction effectué auprès des cabinets ministériels et de leurs administrations », comme le détaille dans un e-mail un lobbyiste d’Uber en France qui déclarait, au moment de son embauche, être « prêt pour le combat » !

« Uber Files », une enquête internationale

« Uber Files » est une enquête reposant sur des milliers de documents internes à Uber adressés par une source anonyme au quotidien britannique The Guardian, et transmis au Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et à 42 médias partenaires, dont Le Monde.

Courriels, présentations, comptes rendus de réunion… Ces 124 000 documents, datés de 2013 à 2017, offrent une plongée rare dans les arcanes d’une start-up qui cherchait alors à s’implanter dans les métropoles du monde entier malgré un contexte réglementaire défavorable. Ils détaillent la manière dont Uber a utilisé, en France comme ailleurs, toutes les ficelles du lobbying pour tenter de faire évoluer la loi à son avantage.

Les « Uber Files » révèlent aussi comment le groupe californien, déterminé à s’imposer par le fait accompli et, au besoin, en opérant dans l’illégalité, a mis en œuvre des pratiques jouant volontairement avec les limites de la loi, ou pouvant s’apparenter à de l’obstruction judiciaire face aux enquêtes dont il faisait l’objet.

Retrouvez tous nos articles de l’enquête « Uber Files »

Le fondateur de l’entreprise, Travis Kalanick, le revendique publiquement à l’époque : « Nous sommes au milieu d’une campagne politique et il s’avère que le candidat, c’est Uber. » En France, la partie est mal engagée : la colère des taxis face à l’arrivée des voitures de transport avec chauffeur (VTC) a poussé le gouvernement à réagir. Le député socialiste de Saône-et-Loire Thomas Thévenoud, dépêché en février 2014 pour déminer le dossier, défend durant l’été au Parlement une proposition de loi qui menace doublement Uber. Non seulement elle vise à interdire clairement UberPop, son service de chauffeurs particuliers, mais elle restreint le champ d’action d’UberX, opéré par des chauffeurs sous statut de VTC.

Thomas Thévenoud, député socialiste de Saône-et-Loire, à l’Assemblée nationale, en novembre 2014.

Lors de la concertation, qui a duré près de trois mois, Uber ne s’est exprimé « qu’une seule et unique fois, à la première réunion, pour me dire : “De toute façon, Monsieur le député, vous ferez ce que vous voudrez, mais si la loi ne nous convient pas, on attaquera.” Et c’est ce qu’ils ont fait, à tous les niveaux ! », se souvient M. Thévenoud.

Uber frappe à toutes les portes pour tenter de faire modifier « les effets pervers de la loi Thévenoud » lors de son examen

Le candidat Uber frappe à toutes les portes pour tenter de faire modifier « les effets pervers de la loi Thévenoud » lorsqu’elle passe à l’Assemblée nationale. Plusieurs députés déposent des amendements rédigés par l’entreprise, mais ceux-ci sont rejetés. La brèche est trouvée au Sénat grâce à l’intervention de l’élu de Seine-Saint-Denis Vincent Capo-Canellas, qui réunit une majorité sur plusieurs mesures favorables à Uber, notamment la règle du « retour au garage ». Alors que la loi impose aux VTC de marquer un arrêt entre chaque client, l’amendement du sénateur centriste l’adoucit en permettant aux chauffeurs d’enchaîner les courses s’ils ont déjà une nouvelle réservation.

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