Tout à l’heure, demain, dans quelques semaines ou jamais. Telle est aujourd’hui la position souple de la Maison Blanche sur la menace d’une opération militaire russe en Ukraine. Depuis près de trois mois, par des fuites régulières dans la presse et les déclarations publiques, Washington n’a cessé de sonner l’alerte sur les préparatifs.
Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a assuré, vendredi 11 février, que la Russie amassait encore plus de troupes à la frontière avec l’Ukraine et a averti qu’une invasion durant les Jeux olympiques d’hiver n’était pas à exclure. « Nous sommes dans une période où une invasion pourrait commencer à tout moment, et pour être clair, cela inclut les Jeux olympiques », a-t-il déclaré, à l’issue d’une rencontre avec ses partenaires du Quad, qui regroupe l’Australie, l’Inde, le Japon et les Etats-Unis, à Melbourne, balayant les spéculations selon lesquelles Moscou attendrait la fin des Jeux de Pékin, qui s’achèvent le 20 février, pour éviter de faire de l’ombre à son allié chinois.
Le 2 février, l’administration a fait savoir qu’elle n’emploierait plus le mot « imminent » pour qualifier ce danger. « Je pense que cela envoyait un message que nous n’avions pas l’intention d’envoyer, a expliqué la porte-parole Jen Psaki, celui que nous savions que Poutine avait pris sa décision. » Cette soudaine correction sémantique, qui a répondu à une certaine irritation des autorités ukrainiennes, ne change rien à la stratégie américaine à deux voies, adoptée depuis début novembre 2021.
La première consiste à préparer en amont des sanctions économiques fortes, en concertation avec les alliés, pour frapper la Russie si ses chars franchissaient la frontière, une hypothèse encore très vraisemblable selon de nombreux experts. La seconde, inhabituelle et délicate, est une communication agressive sur les intentions, et pas seulement les actes, de la Russie. Une sorte de dénonciation préventive pour la bonne cause – éviter une guerre – mais qui suscite aussi des interrogations sur cet exercice supposé de transparence. Les Etats-Unis ne se livrent-ils pas ainsi à de la désinformation, faute de preuves avancées, afin de perturber les propres calculs de Moscou ?
L’évidence doit être rappelée. La Russie a suscité, seule, une crise sécuritaire en Europe en massant plus de 120 000 soldats le long de la frontière ukrainienne. Cette fois, aucune opération spéciale clandestine ou niée (comme en 2014), mais une façon de négocier par l’intimidation, en mettant en joue son interlocuteur.
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