A défaut d’un accord, voici déjà un sursis. Emmanuel Macron a promis, lundi 1er novembre, de « donner une chance » aux discussions, alors que le conflit autour des licences de pêche post-Brexit envenime, depuis plusieurs mois, les relations entre Paris et Londres. L’Elysée a tenu parole, dans la soirée, en annonçant que la France n’appliquera pas de sanctions à l’encontre des Britanniques avant une réunion ministérielle, prévue jeudi à Paris, à laquelle est convié le ministre des affaires européennes britannique chargé du Brexit, David Frost, pour régler le litige sur la pêche.
M. Frost a indiqué qu’il avait accepté la proposition que lui avait faite le secrétaire d’Etat français aux affaires européennes, Clément Beaune, de se rencontrer « pour une discussion approfondie ». « J’ai hâte d’avoir avec lui des discussions à Paris jeudi », a-t-il dit sur Twitter.
Un peu plus tôt dans la journée, en marge de la COP26 à Glasgow (Ecosse), Emmanuel Macron avait renoncé à appliquer à minuit les sanctions brandies contre le Royaume-Uni car « ce n’est pas pendant qu’on négocie qu’on va mettre des sanctions ».
« Confiance »
Le président français avait dit faire « confiance au premier ministre britannique, Boris Johnson, pour prendre sérieusement » les propositions françaises et pour que les discussions soient concluantes. « Pendant dix mois, les résultats ont été trop lents, si cette nouvelle méthode permet d’avoir un résultat, je souhaite qu’on lui donne une chance », a-t-il ajouté.
Lundi, une réunion avait commencé « à 14 heures entre le ministère français de la mer, le ministère britannique de la pêche et la Commission européenne, en visioconférence », selon la présidence française, qui évoque plusieurs interruptions de séance.
« Nous saluons l’annonce du gouvernement français selon laquelle il ne mettra pas en œuvre les mesures proposées comme prévu demain », a affirmé dans la soirée Downing Street. « Nous nous félicitons que la France reconnaisse que des discussions approfondies sont nécessaires pour résoudre l’ensemble des difficultés de la relation entre le Royaume-Uni et l’UE [Union européenne] », poursuit le communiqué. Londres se dit prêt « à poursuivre des discussions intensives sur la pêche, y compris en examinant toute nouvelle preuve pour soutenir les demandes de licence restantes ».
Menaces « complètement déraisonnables »
Le président français et le premier ministre britannique avaient échangé de longues minutes en souriant lors de l’arrivée d’Emmanuel Macron à la COP26 de Glasgow (Royaume-Uni), mais, sur le fond, le litige sur les licences de pêche perdure.
Paris prévoit d’interdire aux navires de pêche britanniques de débarquer leur cargaison dans les ports français et de renforcer les contrôles douaniers si Londres n’accorde pas davantage de licences aux pêcheurs français.
L’annonce de réunion prévue jeudi à Paris va permettre une désescalade, même temporaire. Face à la fermeté affichée en journée par Emmanuel Macron, la ministre des affaires étrangères britannique, Liz Truss, avait appelé le gouvernement français à retirer ses menaces « complètement déraisonnables, y compris contre les îles anglo-normandes et notre industrie de la pêche ».
La cheffe de la diplomatie britannique avait précisé que, faute de solution « dans les quarante-huit heures », son gouvernement demanderait des « mesures compensatoires », en vertu du mécanisme de règlement des différends prévu par l’accord commercial post-Brexit. Londres s’apprêtait également à renforcer les contrôles des bateaux de pêche européens.
Une perspective qui inquiétait les pêcheurs, affirmait, lundi, Olivier Leprêtre, président du comité régional des pêches maritimes et des élevages marins des Hauts-de-France, en dénonçant « l’attitude inadmissible des Anglais et leur non-respect des accords signés ». « Les mesures de rétorsion c’est très bien, c’est la seule solution », mais « Boris Johnson ne va pas en rester là » et « au moindre problème, on va avoir des bateaux détournés », regrettait-il lors d’une conférence de presse. « Si la situation reste bloquée, les pêcheurs vont montrer leurs dents, ils doivent travailler et pouvoir pêcher dans les eaux britanniques comme ils le font depuis la nuit des temps », a-t-il mis en garde.
Jersey pris dans la dispute
Au cœur du conflit entre Paris et Londres figure l’accord de Brexit. En vertu de celui-ci, les pêcheurs européens peuvent continuer à travailler dans certaines eaux britanniques, à condition de pouvoir prouver qu’ils y pêchaient déjà entre 2017 et 2020. Mais Français et Britanniques se disputent sur la nature et l’ampleur des justificatifs à fournir.
Selon Londres, près d’une centaine de pêcheurs n’ont pas apporté de preuves suffisantes de cet historique. Soixante-quinze pêcheurs de Boulogne se sont vu refuser leur licence, et 55 autres devaient perdre leur licence provisoire à la fin d’octobre si l’administration de Jersey ne la renouvelait pas.
« Nous avons été en discussion avec la Commission européenne depuis des semaines sur cette question des licences et nous avons répondu favorablement à 98 % des demandes [faites par les Européens]. Nous avons agi en toute bonne foi et nous avons parfaitement respecté les accords du TCA [traité commercial post-Brexit] », a déclaré David Frost, samedi, sur Twitter.
Pris dans cette dispute entre les deux pays, Ian Gorst, ministre des relations extérieures de l’île anglo-normande de Jersey, a appelé sur Sky News à « arrêter toutes ces bêtises et à s’occuper des problèmes techniques » permettant de délivrer les licences de pêche.
Avant même l’expiration de l’ultimatum, les autorités françaises ont dérouté la semaine dernière vers Le Havre un chalutier britannique suspecté d’avoir pêché plus de 2 tonnes de coquilles saint-jacques sans licence. Il était toujours à quai lundi.
Andrew Brown, porte-parole de l’entreprise Macduff Shellfish à Mintlaw, dans le nord de l’Ecosse, a précisé qu’une audience était prévue mardi ou mercredi « lorsque les termes et conditions entourant la libération du navire seront déterminés », en attendant le procès du capitaine, prévu en août. « L’équipage garde le moral et nous sommes en contact permanent avec le bateau », a-t-il ajouté.
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