Quand on a évoqué avec Bruno, éboueur parisien, la prise de conscience de l’utilité de son métier par les Français et les responsables politiques lors du premier confinement, il a simplement haussé les épaules : « Et maintenant, on ne vaut plus rien. »
C’était mardi 17 novembre. Derrière lui, une poubelle brûlait au milieu de la chaussée, stigmate du mouvement de protestation amorcé par des éboueurs de la Ville de Paris le matin même, à l’appel de la CGT-FTDNEEA. Le syndicat a fait valoir de multiples revendications. Mais les éboueurs qui s’étaient mobilisés en nombre évoquaient, eux, des questions très concrètes sur leurs conditions de travail. Notamment la perte de jours de congés et de RTT avec l’application prochaine de la loi de transformation de la fonction publique, ou la faiblesse de leurs rémunérations. « A 1 700 euros net avec les primes, comment voulez-vous qu’on s’en sorte ? », interrogeait Pascal, éboueur parisien de 50 ans.
Ces hommes déploraient également la disparition de la prime de 35 euros par jour à laquelle ils avaient eu droit lors du premier confinement. Leurs homologues du privé n’ont rien touché non plus. Au printemps, ceux de Veolia ou Pizzorno avaient reçu 1 000 euros brut en réponse à l’appel du ministre de l’économie, Bruno Le Maire, qui, le 20 mars, avait exhorté les entreprises à verser une prime exceptionnelle à leurs personnels – en particulier à « ceux qui ont eu le courage de se rendre sur leur lieu de travail ».
« Aucun changement significatif »
Comme à Paris, d’autres éboueurs du public et du privé se sont mis en grève depuis l’été, dans le Calvados, la Loire ou le Gard. Aux problématiques locales se greffent toujours des revendications sur les conditions de travail. « Les dessins, l’estime [de la population], on savait que ça n’allait pas durer. Ce fut juste un coup de projecteur. Les gens s’en foutent de nous », confie un éboueur, amer.
« Il n’y a eu aucun changement significatif depuis le précédent confinement, précise Fabrice Michaud, secrétaire général de la fédération CGT-Transports, qui représente les salariés du privé. Les éboueurs ont été reconnus d’utilité publique, mais cette reconnaissance ne se fait ni en monnaie sonnante et trébuchante ni en revalorisation des carrières, et encore moins en prise en compte de la pénibilité, qui reste l’une des revendications-phares du secteur. »
« Au printemps, nous étions des héroïnes, maintenant nous sommes des défouloirs », dit une hôtesse de caisse de l’enseigne Système U
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